Quatre hommes, amis depuis l'enfance, partent chasser en pleine forêt du Maine. Ils recueillent un homme perdu, apparemment contaminé par une grave maladie...
Dreamcatcher, l'attrape-rêves est l'adaptation d'un roman très récent deStephen King, le plus populaire des écrivains d'épouvante américain de la secondemoitié du vingtième siècle. Comme tout le monde le sait, ses écrits ont été trèssouvent adaptés au cinéma, parfois avec succès, et parfois par les plus grandsréalisateurs du genre, que ce soit pour le petit ou le grand écran : Carrie(1976) de Brian De Palma, Salem (1979) de Tobe Hooper, Shining (1980) deStanley Kubrick, Dead zone (1983) de David Cronenberg, Christine (1983)de John Carpenter... Il est donc logique que son nouveau roman fantastique soit trèsrapidement porté à l'écran : Dreamcatcher est publié en 2001 ; le tournage dufilm débute en janvier 2002 ! Les droits ont en effet été rapidement acquis par lacompagnie Castle Rock, filiale de Warner, en laquelle Stephen King a toute confiance : eneffet, cette firme a déjà porté plusieurs fois à l'écran cet écrivain, dans desfilms "ambitieux" (au sens hollywoodien du terme), s'éloignant d'un cinémad'horreur violent et graphique : citons Stand by me (1986), Misery(1990), Les évadés (1994)... Le scénariste William Goldman se met le premierau travail, puis le réalisateur Lawrence Kasdan est choisi. Scénariste de formation (L'empirecontre-attaque (1981) d'Irvin Kershner, Les aventuriers de l'arche perdue(1981) de Steven Spielberg...), il aborde des genres tels le thriller (Body heat(1981)), la chronique de mœurs (Les copains d'abord (1983)...) ou lacomédie sentimentale (French kiss (1995)...). Il s'est aussi fait remarquer enréalisant Silverado (1985), un des très rares westerns de ces trente dernièresannées à avoir rencontré un gros succès ; il reviendra à ce genre avec la fresque WyattEarp (1994), mais ce sera un gros échec commercial. Dreamcatcher,l'attrape-rêves est tourné au Canada, essentiellement en Colombie Britannique,région très appréciée par les productions hollywoodiennes récentes (Le treizièmeguerrier (1999) de John McTiernan, Traqué (2003) de William Friedkin...).Les acteurs principaux sont plutôt des "valeurs montantes" que des starsconfirmées : Thomas Jane (Peur bleue (1999) de Renny Harlyn...), Jason Lee (Mallrats(1995) entre autres films de Kevin Smith...)... On trouve néanmoins, dans le camp desmillitaires, des comédiens plus connus : Tom Sizemore (Il faut sauver le soldat Ryan(1998) de Steven Spielberg, La chute du faucon noir (2002) de Ridley Scott...) etMorgan Freeman (Impitoyable (1992) de Clint Eastwood, Seven (1995) deDavid Fincher...).
Dreamcatcher, l'attrape-rêves se veut une mixture assez audacieuse, jonglantavec de nombreux genres. Il commence comme une comédie amère, puis nous renvoie à unrecueil de souvenirs d'enfance, puis passe à un cinéma fantastique angoissant, avant devirer à la parodie horrifique, puis à la science-fiction... Dans la première heure dumétrage, on se rattache au groupe d'amis, qui forme un fil conducteur relativement solideà toutes ces intrigues, flash-backs et ellipses en tout genre. La plus grandeoriginalité de l'ensemble paraît être la manière d'aborder la science-fictionhorrifique, avec beaucoup d'humour noir, tirant même parfois, à une épaisse scatologie(les aliens ont la forme d'étron et sortent de leurs victimes humaines par l'anus, aprèsune gestation s'accompagnant de flatulences en tout genre !). Si on s'attend plutôt àtrouver ce genre d'éléments dans des petits budgets sans complexes comme Bad taste(1987) de Peter Jackson ou Street trash (1987) de James Munro, leur présence estnéanmoins justifié dans ce récit : en effet celui-ci noue des liens entre les aventuresde ces jeunes adultes déboussolés et leurs souvenirs d'enfance, ce qui implique unecertaine régression, un retour à un état d'innocence. Pourtant, cette idée nefonctionne pas toujours bien, la faute sans doute à des interprètes pas trèssympathiques ni très bons et à des dialogues discutables. Certains personnages souffrentaussi d'être à peine ébauchés (Beaver par exemple), ce qui n'aide pas à rendre cegroupe attachant.
La trame de science-fiction est aussi traitée, en parallèle, à travers les intrigues sedéroulant dans le camps d'une mystérieuse unité de millitaires, commandée par lefascisant colonel Curtis, spécialisée dans la lutte contre les invasionsextra-terrestres. Les aliens sont eux mêmes une espèce malveillante, qui, pouréradiquer la race humaine, propage notamment une maladie terrible. Ils sont par ailleurscapable de prendre possession de corps humains. Toute cette partie de l'intrigue laisseplaner un fort parfum d'Aux frontières du réel, mais, encore une fois, certainséléments semblent bâclés, ou traités trop rapidement pour être vraiment clairs ouintéressants : les extra-terrestres eux-mêmes, le personnages du colonel Curtis etson subalterne...
En fin de compte, Dreamcatcher, l'attrape-rêves laisse sur une impression deconfusion. Multipliant les sous-intrigues, les personnages et les ruptures de ton, ildonne l'impression de s'appuyer sur un matériau littéraire très copieux (le roman deKing fait plus de 700 pages) qu'il a fallu condenser sur une durée, trop ramassée, dedeux heures et quart. On se retrouve donc avec un ensemble inégal, peu homogène, neparvenant pas à se sortir de sa narration bien compliquée. Il faut encore ajouter àcela une interprétation souvent insuffisante (Mais peut-être faut-il surtout blâmer undéveloppement des personnages peu satisfaisants ?) et une réalisation d'une rarebanalité.
Dreamcatcher, l'attrape-rêves laisse donc sur une impression de déception.Bénéficiant de moyens importants (plus de 60 millions de dollars) et d'une libertéartistique évidente (on trouve des séquences très gore et des dialogues crus), ildéçoit par son caractère confus et très inégal. Sa réalisation souvent inconsistantene parvient pas non plus à donner un cachet réellement personnel à ce film, dont denombreuses séquences sentent le déjà-vu : citons Independance day (1996) deRoland Emmerich pour l'attaque du vaisseau alien, Stand by me pour lesflash-back, Signes (2002) de M. Night Shyamalan pour l'apparition du premiergrand alien... Dreamcatcher, l'attrape-rêves ne parvient donc pas àconcrétiser son réel potentiel, même si il faut saluer la beauté de la photographie,mettant remarquablement en valeur les paysages naturels de la forêt canadienne, ainsi quecertains effets spéciaux tout à fait soignés. On en vient à se demander si son récitcomplexe n'aurait pas gagner à être porté à l'écran sous la forme d'une mini-sériepour la télévision, format plus à même de permettre une restitution satisfaisante decette histoire touffue.
Bibliographie consultée :